Chine Sheng Mao Cha
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La voix originelle des vieux théiers de Fengqing
Il y a des thés qui sont des détours, des bifurcations heureuses.
Et il y a ceux qui suivent la ligne la plus directe, la plus nue.
Le Chine Sheng Mao Cha appartient à cette deuxième famille : c’est la forme originelle d’un Pu Erh Sheng de vieux arbres, un thé qui n’a pas encore été compressé, qui n’a pas pris la route des décennies, mais qui porte déjà la forêt dans chaque feuille.
Si le Hong Mao Cha de Fengqing est le visage sombre, rouge et gourmand de ces théiers millénaires, le Sheng Mao Cha, lui, en est la lumière claire.
Une forêt d’altitude et des théiers qui ont vu passer les siècles
Nous sommes toujours à Fengqing, dans le Yunnan, au sud-ouest de la Chine.
Là où les routes se perdent, la montagne se couvre de brumes et de forêts, quelques parcelles sont encore peuplées de théiers sauvages et anciens, officiellement répertoriés comme théiers millénaires.
Environ 500 arbres ont été identifiés dans cette zone.
Ils poussent entre 2000 et 2300 mètres d’altitude, au milieu d’une forêt qui n’a jamais été transformée en “plantation” au sens moderne : ce sont de grands arbres qui peuvent atteindre plus de vingt mètres de haut, enracinés profondément dans la roche, entourés d’autres essences, de mousses, d’herbes, de silence.
Ces théiers ne sont pas coiffés, taillés, alignés.
Ils ne connaissent ni tracteur, ni tracteur déguisé en marketing.
Ils poussent. Ils vivent. Ils attendent.
Des familles très occupées à cette période
Ici, le lien au thé ne se joue pas toute l’année.
Les familles du village qui possèdent ces parcelles de forêt ne s’activent qu’au printemps.
Lorsque les premières feuilles apparaissent, elles montent dans la forêt, panier au bras.
Elles récoltent à la main les jeunes feuilles de ces arbres anciens, sans les épuiser. Chaque théier donne environ dix kilos de feuilles fraîches dans la saison – ce qui, une fois flétri et séché, devient très peu.
Les feuilles sont ensuite confiées à la manufacture, qui les travaille en Mao Cha :
flétrissage, roulage, séchage.
À ce stade, le thé n’est ni comprimé, ni affiné : il est brut, prêt à devenir Pu Erh Sheng, ou à être dégusté tel quel.
C’est là que naît notre Chine Sheng Mao Cha : un thé qui, au lieu d’attendre sagement quelques décennies en galette, s’offre déjà à la tasse.
Un thé qui goûte la montagne
Visuellement, les feuilles de Sheng Mao Cha ont quelque chose de presque sauvage :
grandes feuilles entières ou en larges morceaux,
teintes mêlées : vert olive, vert sombre, touches dorées ou brunies sur les bords,
aspect froissé, vivant, loin du petit noir bien peigné.
Quand on plonge le nez dans les feuilles sèches, on sent immédiatement qu’on n’est pas sur un thé vert classique :
un végétal noble : herbes sèches, foin doux, feuilles au soleil,
des notes florales légères (fleurs blanches, pollen),
une pointe de fruits jaunes secs (abricot, peau de pêche),
une impression minérale, comme une pierre chauffée par le soleil après la pluie.
À l’infusion, la liqueur est jaune pâle, claire, brillante.
Rien de massif, rien de trouble : une transparence tendue, presque dessinée au pinceau fin.
En bouche, la première impression est vive mais propre :
une petite secousse d’air de montagne.
Puis viennent :
un végétal délicat (herbe sèche, foin propre, thé de montagne),
des notes d’agrume (zeste de citron doux, mandarine verte, un rien de yuzu imaginaire),
une ombre de fruits jaunes (abricot, mirabelle non sucrée).
La finale est longue, nette, minérale.
L’astringence est là, mais maîtrisée : elle fait saliver, elle structure, elle ne griffe pas.
On garde en bouche un souvenir de fruits jaunes, de zeste, d’herbes séchées, avec parfois une pointe de miel discret.
C’est un thé qui ne caresse pas comme un thé noir gourmand.
Il réveille, il aligne, il clarifie.

Comment le préparer pour l’entendre vraiment
Un Sheng de vieux arbres, ça peut être intimidant si on le bouscule.
Mieux vaut le poser dans de bonnes conditions.
En mode “dégustation tranquille” (occidentale)
Eau : filtrée ou peu minéralisée.
Température : 85–90 °C.
Dosage : 3 g pour 200 ml.
Temps : 2 à 2 min 30 pour une première infusion.
Si le thé te semble trop vif, tu baisses un peu la température (85 °C) et/ou le temps (1 min 30–2 min).
Si tu veux plus de profondeur, tu peux monter vers 2 min 30–3 min à 90 °C, en surveillant l’astringence.
Ensuite :
2ᵉ infusion : même température, +30–45 s.
3ᵉ infusion : encore +30–45 s.
Les infusions suivantes deviennent souvent plus douces, plus rondes, avec un végétal moins tranchant et une minéralité plus affirmée.
En mode Gong Fu – pour les passionnés
Pour ceux qui aiment suivre le thé pas à pas :
Gaiwan ou petite théière (100–120 ml),
5–6 g de feuilles,
90–95 °C,
un rinçage très bref pour réveiller le thé,
puis une série de courtes infusions : 10–15 secondes au début, puis +5–10 secondes à chaque passage.
On peut facilement faire 8 à 10 infusions, en regardant le profil glisser du végétal/agrume vers des fruits secs, une douceur plus ronde, une minéralité plus profonde.
Avec quoi l’accompagner ?
Ce n’est pas un thé à servir avec un énorme dessert chocolaté.
Il mérite quelque chose de sobre, de simple, qui ne noie pas sa finesse.
Quelques idées :
Fruits frais : poire, pomme, raisin blanc, quartiers d’orange douce.
Noix et graines nature : amandes blanches, noix de cajou non grillées, graines légèrement toastées.
Pâtisseries minimalistes : sablé peu sucré, langue de chat, gâteau de riz ou de semoule léger.
On peut aussi simplement le boire seul, avec un carnet à côté pour noter ce qu’il raconte.
Le vis-à-vis silencieux du Hong Mao Cha
Ce Chine Sheng Mao Cha et le Hong Mao Cha de Fengqing partagent la même origine :
les feuilles de théiers millénaires, récoltées par les villageois dans la forêt, à la même altitude, sur les mêmes arbres.
Le Sheng Mao Cha suit le chemin originel : Mao Cha destiné au Pu Erh Sheng, clair, tendu, minéral, vif.
Le Hong Mao Cha emprunte une bifurcation : le même Mao Cha travaillé en thé rouge, plus sombre, plus fruité, plus immédiatement gourmand.
Deux destins possibles pour une même feuille, deux visages du même terroir :
celui de la lumière claire et celui de la profondeur rouge.
Déguster les deux, l’un après l’autre, c’est comme visiter la forêt le matin, puis y revenir au crépuscule.
N.L.L.



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